Samedi 24 novembre 2018, de 18h à 21h
Ce soir-là, 17 femmes du collectif « Place aux femmes » ont, en deux groupes, visité 5 cafés d’Aubervilliers déjà labellisés par le collectif : Le Muscat, L’Arlequin Le Challenger, Le Madison, et Le Pile ou Face.
L’objectif était de discuter avec les clients (et clientes s’il y en avait eues), de la violence contre les femmes dans tous les cadres de la vie.
Les deux groupes ont évoqué le bon accueil et le soutien reçus dans les cafés choisis. Les femmes du collectif ont été écoutées et ont pu débattre avec de nombreux albertivillariens des sujets difficiles que soulève la cause des femmes.
Si le premier contact a souvent été marqué par la surprise ou le retrait avec des attitudes de rejet (on se retourne, on parle une autre langue que le français), très vite le dialogue s’est engagé et est parfois devenu, riche et intéressant.
Généralement, les consommateurs n’avaient pas entendu parler de cette journée du 25 novembre et n’étaient pas à l’aise pour parler de la violence contre les femmes.
Qu’en est-il ressorti ?
Si tout le monde est d’accord que tuer sa femme est un crime, donc inacceptable, le mot violence ne recouvre pas, loin de là, les mêmes choses pour les femmes et les hommes dans les cafés.
La drague dans la rue, les sifflets, les regards, voire même les attouchements, ne sont pas perçus par nos interlocuteurs comme violents alors que les femmes présentes ressentent ces attitudes comme harcelantes et perturbantes dans leur vie quotidienne. Il y a une sorte d’incommunicabilité sur ces questions entre les consommateurs et les femmes : quand y-a-t-il violence faite aux femmes ?
Quand la discussion s’approfondit, pointe rapidement l’idée que « la loi protège trop les femmes » !
Les hommes des cafés se sentent donc menacés dans notre société encore patriarcale sur bien des points. « Vous voulez la guerre », « c’est une révolution », ces termes très forts surgissent dans le dialogue et expriment là une forte crainte que le pouvoir change de main.
Ces réflexions touchent surtout le giron conjugal que les consommateurs abordent très rapidement et dans cette évolution de société (basculement du pouvoir ?), les hommes montrent une grande fragilité, un désarroi qui se retourne contre les femmes : « elles nous poussent à bout ».
De leurs paroles apparaît aussi la violence des conditions de vie qu’ils subissent (travail, heures de transport, etc.) : « on est très fatigué le soir, on ne peut pas discuter ». Alors, on frappe ?
Donc de la violence des regards, des paroles, des attouchements dans la rue et les transports en commun, la parole est passée à la vie intime.
Ce très riche tour des cafés montre un fossé effectif entre un groupe de femmes qui milite pour l’égalité et la mixité et une clientèle uniquement masculine qui minimise les faits de violence par ignorance, incrédulité, intérêt, domination, violence.
En effet, dans toutes les associations qui soutiennent les femmes dans de nombreux domaines, on aborde les problèmes qui se posent à elles : de l’espace public à l’intime, de la représentation à la position de la femme au travail, dans la pub, et dans la vie quotidienne.
Ce travail semble étranger aux hommes rencontrés.
Néanmoins, la réflexion s’est amorcée réellement dans certains groupes, en analysant ensemble les violences en termes de pouvoir. La violence vient de ceux qui ont le pouvoir. Une façon directe de parler de la domination masculine et de la société patriarcale sans les nommer.
Après ces rencontres, les femmes du collectif émettent l’idée de prendre, chaque fois, dans les cafés investis tous les 15 jours, le temps pour discuter, avec les hommes présents, de ce qui motive notre action. Une sorte de travail pédagogique.